Pétition du Dr. Hirschfeld contre le Paragraphe 175


Avant-propos :

En Allemagne, le paragraphe 175 a été à la base de la pénalisation de l’homosexualité de 1871 à 1994. Il ne concernait que les hommes, mais on connaît quelques cas de lesbiennes déportées sous l’Allemagne nazie. Le paragraphe 175 a été introduit en 1871 dans le code pénal Allemand avec la création de l’Empire Germanique par Bismarck. Il s’agit d’un texte de loi existant depuis 1794 en Prusse. Il concerne les actes sexuels entre hommes (sans limite d’âge) et entre hommes et animaux. Il prévoyait le retrait des droits civiques ainsi qu’une peine de prison, pouvant aller de un jour à six mois. En 1897, la pétition de Magnus Hirschfeld pour l’abolition du § 175 réussit à réunir 6000 signatures. Elle est présentée en 1898 au Reichstag (le parlement allemand) mais n’aboutit pas. La première guerre mondiale empêche le gouvernement de réaliser son projet d’étendre le paragraphe 175 aux femmes. Plus tard, en 1933, les nazis arrivent au pouvoir alors que le Reichstag parle d’abroger le § 175 ; le 28 juin 1935 le § 175 est renforcé. Les modifications sont les suivantes : (1) Le paragraphe 175 passe du statut d’infraction (Vergehen) à celui de crime (Verbrechen), faisant passer la durée de détention maximale de 6 mois à 5 ans. (2) Le qualificatif “contre nature” (widernatürliche) disparaît, élargissant le champ des actes répréhensibles. Concrètement, l’acte sexuel, voir même le contact physique, n’étaient plus nécessaires pour une condamnation. (3) Des cas aggravants sont ajoutés à la loi, via le nouveau paragraphe 175a, qui était en fait prévu depuis 1925. Il comprend : les menaces et la violence, l’abus de position dominante, l’abus sur des hommes de moins de 21 ans (bien que la majorité soit fixée à 18 ans), et la prostitution. Cette nouvelle version du paragraphe 175 ne poursuit toujours pas les actes sexuels entre femmes, même si dans la pratique les lesbiennes n’étaient pas mieux loties que les gays. Par contre le sens de la loi a fortement changé : on ne condamne plus des pratiques sexuelles spécifiques, mais le fait d’être homosexuel. Ce “détail” permettra d’envoyer en camp de concentration des hommes sur de simples “présomptions” : courrier amoureux, dénonciation, etc... En 1935, le code pénal est modifié pour permettre la castration “volontaire” des délinquants sexuels condamnés au titre du Paragraphe 175, puis le 20 mai 1939, le Reichsführer-SS Himmler autorise la castration forcée des délinquants sexuels. -- Stéphane Tréboux - Projet Personnel en Humanités (PPH) - 2004/2005.


Pétition de Magnus Hirschfeld contre le § 175

Attendu que, dès 1869, les administrations sanitaires centrales autrichienne comme allemande – auxquelles appartiennent des personnalités telles que Langenbeck et Virchow – effectuèrent une expertise au terme de laquelle elles recommandaient la non pénalisation des rapports homosexuels, alléguant que les actes en question ne se distinguaient pas des autres actes, nullement jusqu'à présent menacés de pénalisation, actes qui seraient commis sur son propre corps, entre femmes ou entre hommes et femmes;

Attendu que l'abrogation de telles dispositions pénales en France, en Italie, en Hollande et dans de nombreux autres pays ne s'est ensuivie d'aucune dépravation et n'a pas eu d'autres conséquences fâcheuses ;

Considérant que les recherches scientifiques très sérieuses effectuées au cours de ces vingt dernières années sur la question homosexuelle (amour sensuel entre personnes du même sexe), recherches poursuivies par des savants de langue allemande, anglaise et française, ont démontré sans exception – fait déjà établi par les premiers savants qui ont étudié cette question – qu'il devait s'agir, quant à ce phénomène aussi généralement répandu dans l'espace et le temps de par sa nature, du résultat d'une disposition due à la constitution interne du sujet ;

Soulignant qu'il est aujourd'hui virtuellement considéré comme acquis que les origines de ce phénomène, à première vue mystérieux, sont à rechercher parmi les conditions de l'évolution, lesquelles dépendent de la constitution bisexuelle (androgyne) primitive de l'homme, ce qui implique que nul ne peut se voir attribuer une quelconque culpabilité morale pour une telle disposition affective ;

Attendu que cette disposition homosexuelle engendre la plupart du temps le besoin d'un passage à l'acte, besoin d'une intensité équivalente à la normale, voire, dans bien des cas, supérieure à la normale ;

Attendu que, selon l'avis de tous les experts, le coït anal et oral est relativement rare dans l'échange sexuel inverti et, en tout cas, pas plus répandu que dans l'acte sexuel normal ;

Attendu que, parmi ceux qui éprouvèrent cette sorte de sentiment, comme cela a été démontré non seulement pour l'Antiquité classique mais pour toutes les époques, la nôtre comprise, se sont trouvés des hommes et des femmes de la plus grande valeur intellectuelle ;

Considérant que la loi existante ne délivre aucun inverti de ses instincts mais qu'en revanche elle a permis de pourchasser un grand nombre de braves gens utiles, à qui la nature porte plus qu'assez préjudice et qu'elle les a poussés injustement à la honte, au désespoir et même à la folie et à la mort, même si les individus concernés n'avaient connu qu'une seule journée d'incarcération (dans l'Empire allemand, c'est la peine minimale pour cette conduite) ou que seule une instruction préliminaire avait été ouverte contre eux ;

Attendu que les dispositions pénales ont grandement favorisé le règne du chantage à grande échelle et la prostitution masculine, hautement répréhensible, les soussignés, dont les noms répondent du sérieux et de l'intégrité de leurs intentions, animés par la passion de la vérité, de la justice et de l'humanité, déclarent que la version actuelle du Paragraphe 175 du Code pénal est inconciliable avec les progrès de la connaissance et enjoignent le corps législatif de modifier ce paragraphe dans les plus brefs délais, de telle sorte que, à l'instar des pays susnommés, soient condamnables les actes sexuels entre personnes du même sexe aussi bien qu'entre personnes de sexes différents (homosexuels comme hétérosexuels) quand ils sont commis en faisant usage de la violence, quand ils impliquent des personnes âgées de moins de seize ans ou quand ils sont l'occasion d'une "atteinte publique à la pudeur" (c'est à dire en infraction au Paragraphe 183 du Code pénal).

Versions du Paragraphe 175 :

Fassung vom 15. Mai 1871

§ 175 Widernatürliche Unzucht

Die widernatürliche Unzucht, welche zwischen Personen männlichen Geschlechts oder von Menschen mit Thieren begangen wird, ist mit Gefängniß zu bestrafen; auch kann auf Verlust der bürgerlichen Ehrenrechte erkannt werden.

Juristische Erläuterungen dazu (1913)

1. Sog. Päderastie, Bestialität, Sodomie; nicht die Tribadie (Unzucht zwischen Frauen)
2. Die widernatürliche Unzucht erfordert einen dem natürlichen Beischlaf ähnlichen Vorgang; immer muß das entblößte Glied des einen Täters den Körper des anderen berührt haben; dies braucht nicht entblößt gewesen zu sein.
3. Unter § 175 fällt auch, wer den Geschlechtsteil eines anderen in den Mund nimmt, nicht wechselseitige Onanie.
4. Es genügt, wenn einer der beiden die Befriedigung des Geschlechtstriebes anstrebt; doch ist auch der andere als Täter, nicht nur als Gehilfe strafbar. Die Befriedigung braucht nicht eingetreten zu sein, daß beide vorsätzlich gehandelt haben, ist nicht erfordert.
5. Auch bei der sodomia tarione generis ist ein beischlafähnlicher Akt erforderlich, daher nicht genügend, daß sich eine Frau den Geschlechtsteil von einem Hunde belecken laßt.
6. Idealkonkurrenz mit §§ 173, 174, 176, 178 möglich
7. Zuständig: Strafkammer

Quelle: Das Strafgesetzbuch für das Deutsche Reich nebst dem Einführungsgesetz in kurzen Erläuterungen, bearbeitet von Dr. Hermann Göbel, Direktor am Landgericht I zu Berlin, Verlag C. L. Hirschfeld, Leipzig 1913.


Fassung vom 28. Juni 1935

§ 175 Unzucht zwischen Männern

(1) Ein Mann, der mit einem anderen Mann Unzucht treibt oder sich von ihm zur Unzucht mißbrauchen läßt, wird mit Gefängnis bestraft.
(2) Bei einem Beteiligten, der zu Zeit der Tat noch nicht einundzwanzig Jahre alt war, kann das Gericht in besonders leichten Fällen von Strafe absehen.

§ 175a Erschwerte Fälle

Mit Zuchthaus bis zu zehn Jahren, bei mildernden Umständen mit Gefängnis nicht unter drei Monaten wird bestraft:

1. ein Mann, der einen anderen Mann mit Gewalt oder durch Drohung mit gegenwärtiger Gefahr für Leib oder Leben nötigt, mit ihm Unzucht zu treiben, oder sich von ihm zur Unzucht mißbrauchen zu lassen;
2. ein Mann, der einen anderen Mann unter Mißbrauch einer durch ein Dienst-, Arbeits- oder Unterordnungsverhältnis begründeten Abhängigkeit bestimmt, mit ihm Unzucht zu treiben oder sich von ihm zur Unzucht mißbrauchen zu lassen;
3. ein Mann über einundzwanzig Jahre, der eine männliche Person unter einundzwanzig Jahren verführt, mit ihm Unzucht zu treiben oder sich von ihm zur Unzucht mißbrauchen zu lassen;
4. ein Mann, der gewerbsmäßig mit Männern Unzucht treibt oder von Männern sich zur Unzucht mißbrauchen läßt oder sich dazu anbietet.

§ 175b Sodomie

Die widernatürliche Unzucht, welche von Menschen mit Tieren begangen wird, ist mit Gefängnis zu bestrafen; auch kann auf Verlust der bürgerlichen Ehrenrechte erkannt werden.

Quellen:

* Strafgesetzbuch mit Nebengesetzen und Erläuterungen, von Dr. Eduard Kohlrausch, Professor des Strafsrechts in Berlin und Dr. Richard Lange, Professor des Strafrechts in Jena, 38. Auflage, Walter de Gruyter & Co, Berlin 1944

* Strafgesetzbuch, hrsg. von Dr. Lothar Dombrowski, Rechtsanwalt und Prof. Heinrich Henkel, Rechtsanwalt, W. Kohlhammer-Verlag, Stuttgart und Köln 1950.


La pétition de Magnus Hirschfeld pour abolir le Paragraphe 175 récoltera plus de 6 000 signatures, dont celles de : Albert Einstein, Léon Tolstoï, Hermann Hesse, Rainer Maria Rilke, Stefan Zweig, Thomas Mann, Emile Zola, Richard von Krafft-Ebing, Sigmund Freud, Max Brod, Rudolf Hilferding, Franz Werfel, George Grosz, Karl Kautsky, Eduard Bernstein, Lou Andreas-Salomé, Max Brod, Martin Buber, Käthe Kollwitz, Heinrich Mann, Thomas Mann, Carl Maria Weber, Grete Meisel-Hess, Gerhardt Hauptmann, Karl Pauli, et Arthur Schnitzler. La pétition fut présentée au Reichstag le 18 mars 1922.

Illustration : Photo dédicacée de Magnus Hirschfeld.

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