Un criminel, pas un politique...


"Etre homosexuel aujourd'hui, c'est se savoir lié à un génocide pour lequel nulle réparation n'est prévue." (Guy Hocquenghem)

Face à l'hostilité qu'inspirait leur état, les homosexuels qui avaient survécu au massacre se terrèrent eux-mêmes dans la discrétion, et de ce fait "personne n'a porté plainte*", de peur que ne s'élèvent les cris indignés des bien-pensants. Il ne fallait pas grand-chose d'ailleurs pour que ces derniers ne vomissent leur répulsion.

Ainsi, lorsque l'un des survivants osait réclamer ce à quoi avaient droit tous les autres déportés, il se voyait alors opposé un refus cinglant, car, dira l'un d'eux, "on me considérait, non comme une victime du régime nazi, mais comme un criminel et, qui plus est un criminel de la pire espèce, c'est à dire homosexuel et pédé".

Et, de cette attitude, expliquera-t-il, "j'ai commencé à m'en rendre compte en 1945, lors de mon retour dans ma ville natale, lorsque je me suis occupé là-bas de trouver des cartes de ravitaillement... Je m'étais occupé de trouver un vélo : il m'a d'abord été promis, et ensuite lorsque je suis allé le chercher, on m'a répliqué dans ce bureau : "Vous êtes un criminel, pas un politique." Et cette répression, cette humiliation comme criminel, cela m'a naturellement profondément blessé".

Aussi, conclura-t-il, "je ne me suis ensuite jamais plus préoccupé d'obtenir une indemnisation. Pour nous, pédés, il n'y en avait pas, bien que nous ayons été envoyés en camp de concentration". Et pourtant "nous devrions être totalement en droit d'exiger réparation pour le préjudice subi".

Quoi de plus juste, en effet ?

Mais, de par la volonté des gouvernements, qui avaient peur de soulever des vagues de protestation, il se fit que "les quelques rescapés n'ont pas eu d'indemnisation comme les autres victimes des nazis*", tant il paraissait normal qu'ils aient subi ainsi les conséquences de leur état délictueux.

* Johannes Werres, "Les homosexuels en Allemagne", in Les minorités homosexuelles, Gembloux (Belgique), 1973.

Source : Le Triangle Rose, Jean Boisson, Editions Robert Laffont, Paris, 1988.

Photo : Grille du portail principal du camp de concentration de Sachsenhausen, situé à une trentaine de kilomètres de Berlin.

Aucun commentaire: