L'appartenance réelle ou supposée au troisième sexe


Nous avons été d'autant plus surpris de lire voici quelque temps, dans ce même journal [Il Borghese], un article d'Eugenio Dollman intitulé "Le triangle rose" où, après avoir rappelé quelques affaires d'homosexualité en Suisse et critiqué la condamnation à dix mois de prison prononcée contre un certain Rinaldi, italien, qui avait étouffé son "corrupteur", après avoir noté qu'il semble que l'on veuiller noyer "le troisième sexe" dans un mer de sang, il met en relief, à propos de l'affaire de Sir Jan-Douglas Harvey, la tendance à briser la carrière de ceux qui pratiquent des amours non-conformistes. "Alfred Krupp, fils du roi des canons, fut conduit à un suicide prématuré par une campagne sans précédent partie de Capri et menée, en style de chantage, par un journaliste napolitain. La social-démocratie allemande saisit au bond l'affaire et, après avoir monstrueusement déformé les faits, utilisa pour ses fins démagogiques l'envers du décor érotique du capitaliste Krupp à Capri".

Le Troisième Reich à son tour se servit impitoyablement de l'homosexualité, réelle ou supposée, dans sa lutte pour le pouvoir. On cite le cas du général-baron Von Fritsch, qui est l'un des chapitres les plus troubles et les plus honteux des temps du règne nazi. Ce général était le dernier obstacle que l'Armée opposait aux prétentions de Hitler de devenir l'unique commandant en chef. C'était un personnage gênant, et Himmler et Goering ne négligèrent rien pour le rendre suspect à Hitler et pour le faire éliminer.

Comme jadis pour Krupp, on se servit du fait que le général appartenait au "troisième sexe". On s'assura le concours d'un repris de justice, qui soutint avoir eu des rapports intimes avec Von Fritsch (voir également texte contradictoire sur von Fritsch de John Toland sur ce site). Malgré la parole d'honneur du général et un procédure menée aussitôt par Goering, qui conclut en le lavant de toute accusation, malgré une scène dramatique avec Hitler, la démission de Von Fritsch était inévitable. Sa "réhabilitation" ultérieure, grâce à laquelle il fut appelé à commander à la suite son ancien régiment d'artillerie, ne modifia pas beaucoup les choses. Le Troisième Reich s'était servi, avec succès, de la diffamation sur l'appartenance, réelle ou peut-être seulement inventée, au "troisième sexe".

Dès lors, la R.S.H.A. (la Gestapo commandée par Heydrich) employa sans retenue cette arme contre ses ennemis internes et externes. Ces malheureux avaient, dans les camps de concentration, un quartier particulier et portaient, cousu au bras, un triangle rose. Le meilleur expert en la matière, le professeur Kogon, écrit à ce propos dans son livre L'Etat SS : "Contre les homosexuels, les SS procédaient comme contre les juifs, probablement parce que l'homosexualité, au début, était très répandue dans les milieux militaires prussiens et, ensuite, dans les SA et les SS, de sorte qu'il fallait la proscrire et l'exterminer sans pitié." Himmler n'hésita pas à faire "liquider" ainsi son propre neveu Hans Himmler au camp de Dachau.

Et Hitler ? Les bruits selon lesquels le futur Führer dans ses années de famine à Vienne, aurait été en contacts trop étroits avec le problème du "troisième sexe", ne sont pas encore apaisés. Et l'on ne peut pas continuer à nier que Hitler était exactement informé de l'appartenance indéniable à cette "association" de son chef d'état-major des SA, le lieutenant-colonel Röhm, mais qu'il ne se servit de cet argument contre lui que lorsque Röhm, avec ses ambitions personnelles, devint trop dangereux.


Source : Nouvelles d'Italie, Maurizio Bellotti, Arcadie, no. 71 (novembre 1959), p. 644-646.

Photo : Carte postale représentant Ernst Röhm lors d'un rassemblement à Dortmund en 1933 (orig : USHM)

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