Quand on considère par exemple "la monstruosité des conditions alimentaires" que subissaient les déportés, dont beaucoup allaient jusqu'à "tirer quelques débris comestibles des tas d'ordures" ou à ramasser des os pour les faire bouillir, on comprend la valeur que pouvait représenter ainsi une ration de soupe supplémentaire ! Et, pour l'obtenir, il est certain que, souvent, il fallait faire abstraction de tout scrupule ou de tout préjugé.
Le plus important était alors de tenter de survivre, fût-ce au prix de compromissions sordides ou de luttes sauvages que seuls peuvent condamner aujourd'hui ceux qui n'ont pas vécu cette psychose de la faim qui, dans les camps, fut la cause des "plus féroces compétitions entre les groupes" et des "haines les plus inexpiables entre les affamés et les bien-nourris".
Il est sans doute vrai que tous les déportés n'entrèrent pas dans ce cercle infernal de "trafics" et de "chantages" qui régissaient la vie quotidienne des camps, mais auquel beaucoup surent résister, les uns ayant plus de force de caractère que d'autres, ainsi qu'il en est dans toute communauté humaine. Mais, en ce qui concerne ceux qui furent amenés à "se prostituer", il faut considérer que, de toute manière, il n'était pas question pour eux d'avoir des états d'âme, car "la hiérarchie interne pouvait briser presque à la mort ceux qu'elle voulait détruire", après qu'ils eurent résisté à telle ou telle de leurs pressions.
"Être ou ne pas être", voilà bien la question qui se posait effectivement à ceux qui étaient assaillis par les propositions de cette hiérarchie interne...
Mais ce furent évidemment les "triangles roses" qui devaient subir les pressions les plus rudes, et sans qu'il leur fût même possible de s'en montrer indignés. Ils étaient des homosexuels et, dans l'esprit des autres déportés, des "déchets méprisables", qui étaient voués par destination à se vautrer dans la débauche ! Alors, pourquoi se serait-on gêné avec eux, puisqu'ils étaient censés toujours désirer de nouvelles aventures sexuelles, et sans qu'y entre bien entendu la moindre touche d'émotion ou d'affectivité ?
Les "triangles roses" furent donc particulièrement recherchés par les déportés qui appartenaient à cette "hiérarchie interne" des camps, et qui se livrèrent parfois à de véritables compétitions pour s'approprier les plus jeunes et les plus beaux.
Il y avait ainsi, rapportera l'une de leurs victimes, "trois kapos qui voulaient se lier à moi et qui me disputaient". Or "je ne pouvais en refuser aucun, car je n'étais pas assez fort". Aussi entre eux, "le combat dura deux jours", puis "un kapo du département du bâtiment vint m'informer qu'il était mon nouvel ami", car "il m'avait acheté". C'était un homme qui "était très connu comme trafiquant, par les déportés, mais aussi par les personnalités et les SS. Il dirigeait un service de troc très actif entre la cuisine du camp, l'hôpital et le vestiaire. On pouvait par son intermédiaire acheter aussi bien un morceau de pain qu'un anneau de diamant ou une paire de bonnes chaussures". Et comme de ce fait "il avait pas mal d'argent, il acheta donc facilement les autres prétendants pour que je devienne son ami et de cette façon je restai en bonne grâce avec eux ".
Tel était sans doute l'essentiel pour l'intéressé, mais, dans ce marchandage devenu courant, la compétition ne se terminait pas toujours d'une manière aussi tranquille, et il arrivait parfois qu'elle se concluait tragiquement pour celui qui était l'enjeu de ces enchères d'un autre temps. Ainsi "un jeune Alsacien fut-il disputé par deux kapos: de l'un il recevait une gamelle de soupe, de l'autre un cigare, chaque dimanche". Mais, "victime de la jalousie réciproque des deux kapos, il fut envoyé à l'infirmerie un soir pour "désinfection". Le lendemain on le trouva mort; il avait reçu une piqûre d'essence dans les veines. Il n'avait que dix-neuf ans"...
Pour quiconque a conservé une certaine sensibilité, il est sans doute naturel que la manière dont furent traités les "triangles roses" soit considérée comme particulièrement ignoble, puisqu'elle était le fait de certains déportés qui abusèrent aussi outrageusement des "pouvoirs" dont ils disposaient. Mais, pour le commun, il ne semble pas que de tels viols aient constitué des situations particulièrement dramatiques, n'étant plutôt que de simples péripéties à valeur anecdotique. On a ainsi estimé à propos des "triangles roses" que, dans cette nouvelle circonstance, "ils ne firent que continuer l'exercice de leurs pratiques", ce qui sous-entend donc qu'ils n'eurent pas à en souffrir énormément.
Une telle affirmation est en vérité effroyablement triste, et non seulement parce qu'elle occulte totalement la contrainte dont furent l'objet les " triangles roses ", mais aussi parce qu'elle méconnaît gravement la psychologie des homosexuels. Contrairement à ce que s'imagine la croyance commune, ils ne sont pas en effet des gens prédestinés à s'offrir à n'importe qui pour le plaisir d'un instant. Ainsi que l'admettent maintenant chercheurs et spécialistes, ils sont des gens qui recherchent, eux aussi, émotion et tendresse dans les relations qu'ils peuvent nouer, et qu'ils choisissent donc suivant les éclats de leur sensibilité. Les études qui ont été effectuées depuis quelque temps ont permis ainsi de faire admettre que, dans leurs réactions, "les homosexuels sont vraiment comme les autres" car "ils ont les mêmes aspirations, les mêmes désirs, les mêmes élans, les mêmes déceptions, les mêmes souffrances et les mêmes angoisses " que les hétérosexuels".
Il s'agit sans doute là d'une constatation assez simple, mais elle est malheureusement "une acquisition très récente" et, à l'époque des "triangles roses", on s'en tenait encore aux vieux clichés, transmis pieusement de génération en génération. L'un de ces "triangles roses" rapportera ainsi avec amertume que "les autres détenus ne semblent jamais avoir été effleurés par l'idée que la tendresse, les caresses, le fait de se sentir bien ou mal dans sa peau pouvaient influer sur le désir sexuel". Et, plus encore que de la faim ou que des tortures, c'est bien de cette incompréhension de leur état qu'eurent à souffrir davantage les "triangles roses", considérés par l'ensemble comme des êtres dépravés.
"Nous, les déportés au "triangle rose", nous restions aux yeux des autres détenus les sales cochons de pédés, tandis que les mêmes qui nous injuriaient et nous condamnaient ne disaient rien des relations des doyens de bloc et des kapos avec les garçons polonais. Ils trouvaient cela naturel et en parlaient en souriant".
Dans leur raisonnement, "les pratiques homosexuelles entre deux normaux étaient acceptées en tant que moyen de remplacement, alors que les mêmes pratiques entre deux homos, de connivence, étaient considérées comme des conduites scandaleuses et dégoûtantes. Ce qui dans un cas était accepté avec un certain sourire était, dans l'autre, complètement rejeté parce que revendiqué en tant que tel". Et il semble bien qu' "une grande partie des SS devaient penser de même, car ils connaissaient évidemment les histoires des garçons polonais avec les gens bien placés du camp".
Quand on sait que les pratiques homosexuelles étaient considérées par le pouvoir comme "un crime", on pourrait être surpris qu'ils aient ainsi fermé les yeux sur celles qui avaient cours dans leurs camps. Mais, si "officiellement les SS ne savaient rien", c'est bien parce que, pour eux aussi, il y avait dérèglement de la réflexion et pourrissement de l'esprit. Il faut cependant ajouter à cet abrutissement de l'intellect le machiavélisme du calcul, car "cette tolérance devait payer les services et les basses besognes qu'ils attendaient de cette minorité privilégiée" dont ils voulaient en contrepartie que la servilité fût totale.
Les SS savaient que permettre l'assouvissement du plaisir sexuel constituait une monnaie d'échange fort cotée, et qu'ils en tireraient ainsi grand profit pour la réussite de leur système. Tout en laissant cette "minorité privilégiée" user à sa guise des "triangles roses", les nazis n'en continuaient pas moins de vouloir leur "guérison", puisque telle était la directive du Pouvoir afin de tenter de récupérer des "producteurs" d'enfants. Aussi fut-il organisé dans les camps de nouveaux stages de "guérison" destinés à provoquer le "choc" qui ferait surgir le changement souhaité. Et, dans leur esprit, il n'était pas de moyen plus persuasif que de les confronter à la vue d'un corps féminin dans sa nudité la plus totale, ce qui susciterait chez eux l'envie irrésistible de faire l'amour.
Là était le "remède", et pour les nazis il devait être infaillible ! Aussi allait-on conduire manu militari des "triangles roses" dans les bordels, qui avaient été ouverts dans certains camps. Le fait qu'il en ait existé en de tels lieux peut sans doute paraître ahurissant, car ces pressoirs de vies humaines étaient tout l'inverse de joyeux lupanars. Mais le machiavélisme des nazis était sans limite, et cette implantation de bordels non loin des chambres à gaz répondait, là encore, à des objectifs bien précis, tant chez eux le processus d'extermination s'appuyait sur de morbides intérêts. Ces bordels avaient ainsi une existence très officielle, puisqu'ils avaient été créés en 1943 par une ordonnance de Himmler sous la pudique appellation de "bâtiments spéciaux", et d'abord dans le but de corrompre les détenus politiques dont l'influence devenait prédominante dans les camps, de les espionner et de les détourner de la politique", c'est-à-dire de la résistance qu'ils tentaient d'opposer à leurs exterminateurs.
Source : Le Triangle Rose, Jean Boisson, Editions Robert Laffont, Paris, 1988.
Illustration : Portail du camp de Sachsenhausen, près de Berlin.
Le plus important était alors de tenter de survivre, fût-ce au prix de compromissions sordides ou de luttes sauvages que seuls peuvent condamner aujourd'hui ceux qui n'ont pas vécu cette psychose de la faim qui, dans les camps, fut la cause des "plus féroces compétitions entre les groupes" et des "haines les plus inexpiables entre les affamés et les bien-nourris".
Il est sans doute vrai que tous les déportés n'entrèrent pas dans ce cercle infernal de "trafics" et de "chantages" qui régissaient la vie quotidienne des camps, mais auquel beaucoup surent résister, les uns ayant plus de force de caractère que d'autres, ainsi qu'il en est dans toute communauté humaine. Mais, en ce qui concerne ceux qui furent amenés à "se prostituer", il faut considérer que, de toute manière, il n'était pas question pour eux d'avoir des états d'âme, car "la hiérarchie interne pouvait briser presque à la mort ceux qu'elle voulait détruire", après qu'ils eurent résisté à telle ou telle de leurs pressions.
"Être ou ne pas être", voilà bien la question qui se posait effectivement à ceux qui étaient assaillis par les propositions de cette hiérarchie interne...
Mais ce furent évidemment les "triangles roses" qui devaient subir les pressions les plus rudes, et sans qu'il leur fût même possible de s'en montrer indignés. Ils étaient des homosexuels et, dans l'esprit des autres déportés, des "déchets méprisables", qui étaient voués par destination à se vautrer dans la débauche ! Alors, pourquoi se serait-on gêné avec eux, puisqu'ils étaient censés toujours désirer de nouvelles aventures sexuelles, et sans qu'y entre bien entendu la moindre touche d'émotion ou d'affectivité ?
Les "triangles roses" furent donc particulièrement recherchés par les déportés qui appartenaient à cette "hiérarchie interne" des camps, et qui se livrèrent parfois à de véritables compétitions pour s'approprier les plus jeunes et les plus beaux.
Il y avait ainsi, rapportera l'une de leurs victimes, "trois kapos qui voulaient se lier à moi et qui me disputaient". Or "je ne pouvais en refuser aucun, car je n'étais pas assez fort". Aussi entre eux, "le combat dura deux jours", puis "un kapo du département du bâtiment vint m'informer qu'il était mon nouvel ami", car "il m'avait acheté". C'était un homme qui "était très connu comme trafiquant, par les déportés, mais aussi par les personnalités et les SS. Il dirigeait un service de troc très actif entre la cuisine du camp, l'hôpital et le vestiaire. On pouvait par son intermédiaire acheter aussi bien un morceau de pain qu'un anneau de diamant ou une paire de bonnes chaussures". Et comme de ce fait "il avait pas mal d'argent, il acheta donc facilement les autres prétendants pour que je devienne son ami et de cette façon je restai en bonne grâce avec eux ".
Tel était sans doute l'essentiel pour l'intéressé, mais, dans ce marchandage devenu courant, la compétition ne se terminait pas toujours d'une manière aussi tranquille, et il arrivait parfois qu'elle se concluait tragiquement pour celui qui était l'enjeu de ces enchères d'un autre temps. Ainsi "un jeune Alsacien fut-il disputé par deux kapos: de l'un il recevait une gamelle de soupe, de l'autre un cigare, chaque dimanche". Mais, "victime de la jalousie réciproque des deux kapos, il fut envoyé à l'infirmerie un soir pour "désinfection". Le lendemain on le trouva mort; il avait reçu une piqûre d'essence dans les veines. Il n'avait que dix-neuf ans"...
Pour quiconque a conservé une certaine sensibilité, il est sans doute naturel que la manière dont furent traités les "triangles roses" soit considérée comme particulièrement ignoble, puisqu'elle était le fait de certains déportés qui abusèrent aussi outrageusement des "pouvoirs" dont ils disposaient. Mais, pour le commun, il ne semble pas que de tels viols aient constitué des situations particulièrement dramatiques, n'étant plutôt que de simples péripéties à valeur anecdotique. On a ainsi estimé à propos des "triangles roses" que, dans cette nouvelle circonstance, "ils ne firent que continuer l'exercice de leurs pratiques", ce qui sous-entend donc qu'ils n'eurent pas à en souffrir énormément.
Une telle affirmation est en vérité effroyablement triste, et non seulement parce qu'elle occulte totalement la contrainte dont furent l'objet les " triangles roses ", mais aussi parce qu'elle méconnaît gravement la psychologie des homosexuels. Contrairement à ce que s'imagine la croyance commune, ils ne sont pas en effet des gens prédestinés à s'offrir à n'importe qui pour le plaisir d'un instant. Ainsi que l'admettent maintenant chercheurs et spécialistes, ils sont des gens qui recherchent, eux aussi, émotion et tendresse dans les relations qu'ils peuvent nouer, et qu'ils choisissent donc suivant les éclats de leur sensibilité. Les études qui ont été effectuées depuis quelque temps ont permis ainsi de faire admettre que, dans leurs réactions, "les homosexuels sont vraiment comme les autres" car "ils ont les mêmes aspirations, les mêmes désirs, les mêmes élans, les mêmes déceptions, les mêmes souffrances et les mêmes angoisses " que les hétérosexuels".
Il s'agit sans doute là d'une constatation assez simple, mais elle est malheureusement "une acquisition très récente" et, à l'époque des "triangles roses", on s'en tenait encore aux vieux clichés, transmis pieusement de génération en génération. L'un de ces "triangles roses" rapportera ainsi avec amertume que "les autres détenus ne semblent jamais avoir été effleurés par l'idée que la tendresse, les caresses, le fait de se sentir bien ou mal dans sa peau pouvaient influer sur le désir sexuel". Et, plus encore que de la faim ou que des tortures, c'est bien de cette incompréhension de leur état qu'eurent à souffrir davantage les "triangles roses", considérés par l'ensemble comme des êtres dépravés.
"Nous, les déportés au "triangle rose", nous restions aux yeux des autres détenus les sales cochons de pédés, tandis que les mêmes qui nous injuriaient et nous condamnaient ne disaient rien des relations des doyens de bloc et des kapos avec les garçons polonais. Ils trouvaient cela naturel et en parlaient en souriant".
Dans leur raisonnement, "les pratiques homosexuelles entre deux normaux étaient acceptées en tant que moyen de remplacement, alors que les mêmes pratiques entre deux homos, de connivence, étaient considérées comme des conduites scandaleuses et dégoûtantes. Ce qui dans un cas était accepté avec un certain sourire était, dans l'autre, complètement rejeté parce que revendiqué en tant que tel". Et il semble bien qu' "une grande partie des SS devaient penser de même, car ils connaissaient évidemment les histoires des garçons polonais avec les gens bien placés du camp".
Quand on sait que les pratiques homosexuelles étaient considérées par le pouvoir comme "un crime", on pourrait être surpris qu'ils aient ainsi fermé les yeux sur celles qui avaient cours dans leurs camps. Mais, si "officiellement les SS ne savaient rien", c'est bien parce que, pour eux aussi, il y avait dérèglement de la réflexion et pourrissement de l'esprit. Il faut cependant ajouter à cet abrutissement de l'intellect le machiavélisme du calcul, car "cette tolérance devait payer les services et les basses besognes qu'ils attendaient de cette minorité privilégiée" dont ils voulaient en contrepartie que la servilité fût totale.
Les SS savaient que permettre l'assouvissement du plaisir sexuel constituait une monnaie d'échange fort cotée, et qu'ils en tireraient ainsi grand profit pour la réussite de leur système. Tout en laissant cette "minorité privilégiée" user à sa guise des "triangles roses", les nazis n'en continuaient pas moins de vouloir leur "guérison", puisque telle était la directive du Pouvoir afin de tenter de récupérer des "producteurs" d'enfants. Aussi fut-il organisé dans les camps de nouveaux stages de "guérison" destinés à provoquer le "choc" qui ferait surgir le changement souhaité. Et, dans leur esprit, il n'était pas de moyen plus persuasif que de les confronter à la vue d'un corps féminin dans sa nudité la plus totale, ce qui susciterait chez eux l'envie irrésistible de faire l'amour.
Là était le "remède", et pour les nazis il devait être infaillible ! Aussi allait-on conduire manu militari des "triangles roses" dans les bordels, qui avaient été ouverts dans certains camps. Le fait qu'il en ait existé en de tels lieux peut sans doute paraître ahurissant, car ces pressoirs de vies humaines étaient tout l'inverse de joyeux lupanars. Mais le machiavélisme des nazis était sans limite, et cette implantation de bordels non loin des chambres à gaz répondait, là encore, à des objectifs bien précis, tant chez eux le processus d'extermination s'appuyait sur de morbides intérêts. Ces bordels avaient ainsi une existence très officielle, puisqu'ils avaient été créés en 1943 par une ordonnance de Himmler sous la pudique appellation de "bâtiments spéciaux", et d'abord dans le but de corrompre les détenus politiques dont l'influence devenait prédominante dans les camps, de les espionner et de les détourner de la politique", c'est-à-dire de la résistance qu'ils tentaient d'opposer à leurs exterminateurs.
Source : Le Triangle Rose, Jean Boisson, Editions Robert Laffont, Paris, 1988.
Illustration : Portail du camp de Sachsenhausen, près de Berlin.
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