La police des moeurs

La sexualité ne fut longtemps considérée en France que comme une gaudriole. La Science est intervenue pour nous avertir qu'elle méritait d'être traitée sérieusement.

L'Allemagne est la première des nations chrétiennes qui se soit avisée d'y porter quelque lumière. Le Dr Magnus Hirschfel[d] avait fondé, ces temps derniers à Berlin, un Institut des sciences sexuelles.

Depuis l'avènement d'Hitler, cet Institut a été détruit, ses documents brûlés, son fondateur exilé.

Des gens, chez nous, en applaudissent Hitler, et voudraient nous voir, à son exemple, jeter au feu tout ce qui n'est pas d'une lecture strictement édifiant. (...)

Ce qu'il faut voir, dans le geste d'Hitler, c'est un retour aux âges d'ignorance et de barbarie. Qu'en résultera-t-il ? Ce n'est pas la première fois qu'un législateur, en Allemagne, a essayé d'y épurer les moeurs. Charles V y condamnait les homosexuels à être brûlés vifs. Il n'a pas reussi à en exterminer la graine (si j'ose ainsi parler) pas plus que ne l'a pu faire, depuis, l'article 175 du Code allemand édictant contre eux des peines sévères.

Aussi bien, il est à considérer, que c'est dans les pays, où la législation le réprime, que ce vice exerce le plus des ravages. Le peuple allemand en est la preuve, qui n'est pas moins demeuré, malgré tout, l'un des peuples des plus prolifiques et des plus vigoreux.

Ce n'est pas du jour au lendmain que des moeurs si invétérées puissent se corriger si, toutefois, elles sont corrigeables par la seule crainte du châtiment. J'ai bien peur que les mesures d'Hitler n'arrivent à faire régner, chez ses concitoyens, l'hypocrisie plutôt que la vertu. C'est d'ailleurs, moins ces moeurs elles-mêmes que de leur exhibitionisme qu'il réprouve, puisqu'il les tolère chez son ami, le ministre d'Etat Röhm, au risque d'en être suspecté lui-même, mais pourquoi s'en formaliserait-il ? Ce ne serait pas la première fois qu'un Chancelier allemand serait dit non-conformiste, si j'en crois les révélations du procès Eulenbourg, et ce n'est pas ce que l'on trouverait de pire à lui reprocher.

Quoi qu'il en soit, brûler les livres ne suffit pas pour étouffer les vérités qu'ils contiennent, et qui finissent toujours par s'imposer, tôt ou tard. Ce qui ressortait des documents rassemblés par le Dr Hirschfeld, c'est que l'homosexualité est le résultat d'une constitution de nature.


Texte : La police des moeurs, Ernest Reynaud, Société Française d'Editions Littéraires et Techniques, Paris, 1934 ; p. 137-138.

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